Le projet gazier de Muzarabani vient de franchir une étape décisive avec la signature d’un accord de production et de partage des revenus (PPSA) entre le gouvernement zimbabwéen et la société australienne Invictus Energy. Cet accord fixe un cadre fiscal transparent, précise les conditions de répartition des recettes et confère au projet le statut d’initiative nationale. Pour un pays confronté depuis des années à une pénurie d’énergie et à des ressources budgétaires limitées, il ne s’agit pas d’un simple contrat d’investissement, mais d’un véritable symbole de transformation, porteur d’indépendance énergétique et de croissance économique.
L’histoire de ce projet remonte à la fin des années 2010, lorsque les premières campagnes de prospection avaient mis en évidence des structures prometteuses dans le bassin du Zambèze. En 2022, les forages des puits Mukuyu-1 et Mukuyu-2 ont confirmé la présence de volumes significatifs de gaz et de condensat. Les analyses ultérieures ont montré que le Zimbabwe disposait de réserves comparables aux plus grandes découvertes de la région. Cette confirmation a ouvert la voie à la signature du PPSA et au passage de la phase d’exploration à celle de la préparation industrielle.
Selon les estimations préliminaires, Muzarabani détiendrait les plus vastes réserves gazières inexploitées à terre sur le continent africain, avec plus de 550 milliards de m³ de gaz et plusieurs centaines de millions de barils de condensat. Même dans un scénario de production modéré, ces ressources suffiraient à couvrir les besoins intérieurs en gaz pendant plusieurs décennies. La construction d’une centrale électrique au gaz de 500 MW devrait permettre de combler environ 25 à 30 % du déficit énergétique actuel.
Si la dimension exportatrice du projet est concrétisée, le budget de l’État pourrait engranger chaque année plusieurs centaines de millions de dollars en taxes et en revenus issus du partage de production. Des ressources capables de stimuler massivement le financement d’infrastructures, d’industries et de programmes sociaux. En outre, le projet entraînera un effet multiplicateur, avec la création d’un marché de services, de construction, de logistique et de transformation autour de l’exploitation gazière.
Cette avancée survient alors que le pays vit une crise énergétique persistante. La capacité installée avoisine 2 800 MW alors que la demande dépasse 5 000 MW, provoquant des délestages quotidiens pouvant atteindre 12 à 14 heures. À peine la moitié des ménages a accès à une électricité stable, un taux encore plus faible dans les zones rurales.
La situation est aggravée par une forte dépendance aux importations de carburants. Le Zimbabwe s’approvisionne en produits pétroliers via le port de Beira au Mozambique, et la moindre perturbation des livraisons provoque des hausses de prix et des pénuries à la pompe. Pour contenir le marché, le régulateur fixe les prix en dollars américains, ce qui fragilise les réserves de change du pays.
Dans ce contexte, Muzarabani apparaît comme un levier stratégique de transformation structurelle. Le développement de ressources nationales réduira la dépendance aux importations, créera un marché intérieur des hydrocarbures et garantira l’alimentation des nouvelles capacités électriques. Des accords préliminaires ont déjà été conclus pour l’approvisionnement en gaz de la future centrale de 500 MW, appelée à réduire fortement le déficit pour les ménages comme pour l’industrie. À terme, le Zimbabwe pourrait même s’imposer comme exportateur de gaz vers l’Afrique australe et acteur de poids sur le marché énergétique continental.
L’impact attendu dépasse le seul secteur énergétique. Le projet devrait générer des milliers d’emplois, stimuler la construction d’infrastructures routières et de pipelines, et jeter les bases d’une industrie pétrochimique et de gaz liquéfié. Les nouvelles capacités permettront aussi de diminuer la pression sur les centrales à charbon et sur le barrage de Kariba, tributaire du niveau des eaux et vulnérable aux aléas climatiques.
Le cadre légal mis en place à travers l’accord de partage de production garantit une visibilité aux investisseurs et assure à l’État des revenus réguliers. Avec l’entrée en phase de production, le Zimbabwe bénéficiera non seulement de recettes directes, mais aussi de transferts de savoir-faire, de technologies et de capitaux indispensables pour soutenir un projet de cette ampleur.
En définitive, Muzarabani pourrait marquer un tournant dans l’histoire du Zimbabwe. Ce gisement offre au pays l’opportunité de transformer une pénurie chronique en moteur de croissance, d’accéder à la souveraineté énergétique et de jouer un rôle accru sur les marchés régionaux. Pour la population, c’est l’espoir d’un approvisionnement stable en électricité, condition sine qua non d’une industrialisation durable et d’une amélioration du cadre de vie.